Alain Stanké. « Des livres », du bois. Magazin’Art, 2014.

Alain Stanké

 ‘Des livres’ du bois

C’est par une belle journée ensoleillée du mois de mai que j’ai eu l’opportunité de rencontrer Alain Stanké.  Juché dans les hauteurs de son condominium, tel un aigle sur son perchoir, mon hôte m’a ouvert sa porte. Sitôt entré, j’ai été frappé de constater que les fenêtres étaient comme un œil ouvert sur le bleu du ciel qui se fondait dans l’eau du fleuve et ce, en plein cœur de Montréal.  Instantanément, on se sent grand dans l’environnement Stanké. Ici, aucune place pour la fermeture envers le monde environnant, exactement à l’image d’un homme dont la vie sociale a été marquée par l’intensité. Sa carrière a été très féconde puisqu’il a été de journaliste à la radio et à la télévision et qu’il a travaillé dans les journaux en tant que scripteur, animateur, recherchiste et producteur. C’est aussi le succès des « Insolences d’une caméra » qui en fait une vedette populaire au cours des années 60.

Table de travail de Alain Stanké
Table de travail de Alain Stanké

Mais revenons à la description de cet appartement que nous visitons pour la première fois. Un autre point étonnant dans le salon de cet ex-éditeur qui a publié plus de 2000 bouquins en 43 ans de carrière est le fait qu’il laisse plus de place à l’art qu’au livre. Notre regard qui se porte sur les murs et sur les tables y fait la rencontre de nombreuses sculptures en bois qui représentent principalement des livres loufoques. Ces créations sortent de l’imaginaire d’un être débordant de sensibilité. Décidemment, cet homme ne cesse de nous surprendre. Pour Stanké, la création doit rimer avec plaisir et il ne sculpte pas pour des raisons commerciales mais tout simplement parce qu’il en a le goût. C’est son moment de détente, son luxe comme il le dit si bien. Pour tomber sur des vrais livres, en papier ceux-là, il faut se déplacer dans la pièce de travail dans laquelle on trouve une bibliothèque plus que respectable. Et même dans cette pièce on retrouve quelques œuvres d’art accrochées sur les murs dont Henry Miller et Robert LaPalme qu’il a bien connus.

Un autre trait de caractère que j’ai retrouvé chez Stanké est son humilité. Il cède plus souvent qu’à son tour la place à qui veut parler et son côté chaleureux est très apprécié des artistes. Le talentueux sculpteur Jean-Guy Lemay, qui a eu une carrière extrêmement difficile au Québec, m’a un jour mentionné que Stanké était l’un de ses grands amis car il avait été l’une des rares personnes à lui offrir son aide. On aurait pu penser que cet homme, qui avait comme amis personnels Jean-Paul Lemieux , Salvador Dali et une impressionnante brochette d’artistes internationaux puisse bouder les artistes et les événements régionaux de moins grande envergure qui n’apportaient absolument rien à sa carrière personnelle. Ce serait mal connaître l’homme! Celui qui a publié Nixon, Castro, Kadhafi, Miller, Sagan, Languirand et de nombreux autres a toujours su donner de son temps pour ceux et celles dont le nom ne clignote pas sur l’autoroute du succès.

C'est le luth final. A. Stanké.
C’est le luth final. A. Stanké.

 

Le livre dort
Le livre dort

Ayant étudié aux Beaux-Arts à Paris, Stanké était à ses débuts, principalement intéressé par la peinture. C’est Jordi Bonnet, qui remarqua un jour chez son ami un talent évident pour la sculpture. Bonnet était un artiste d’origine catalane qui vivait à Montréal et qui avait, entre autres, fait scandale en intégrant le ‘Vous êtes pas tannés de mourir bande de caves’ de Péloquin dans l’une de ses murales. Bref, l’avis de Bonnet fut l’élément déclencheur pour Stanké qui commença dès lors à s’adonner à la sculpture.

Il faut d’abord mentionner cette amusante facette du personnage qui n’utilise pour ses sculptures que du bois de récupération. Dans le but de se faire pardonner pour les hectares d’arbres qu’il a dû abattre alors qu’il était éditeur, Alain Stanké collectionne des vieilles souches, des arbres morts et des débris de matière ligneuse partout il passe. Lors d’un voyage à la mer Baltique il a d’ailleurs ramassé de tous petits bouts de bois laissés par la mer et qui datent de millions d’années. Certaines des pièces de bois qu’il a recueillies ont des nervures qui dessinent des stries partout sur leur contour. Ce sont des incrustations de minerais et Stanké nous explique que ce type de bois fait des étincelles lorsqu’il le travaille. Comme s’il en avait besoin pour être allumé!

Pour réaliser ses œuvres d’art, il s’inspire des centaines d’esquisses dans son cahier à croquis. C’est un cahier dans lequel les dessins sont touts petits et qui donnent l’impression que l’ex-éditeur était pressé par le temps lorsqu’il les a exécutés. Les idées sont lancées sur ces petits bouts de papier d’environ un pouce par un pouce qui sont ensuite collés dans ce cahier qui est un véritable trésor. Il y en a tellement qu’Alain n’aurait jamais assez de toute une vie pour toutes les sculpter. Les illustrations sont enjolivés de titres évocateurs,’Un livre brûlant d’actualité’, ‘Le nouveau test-amants’ ,‘Livre délivre’, ‘Livre poubelle pour écrits vains’, ‘Le livre dort’ et toute une panoplie de jeux de mots plus cocasses les uns que les autres.

Les choristes. A. Stanké.
Les choristes. A. Stanké.

Stanké a une imposante collection d’œuvres, plus de 250 en fait. On l’a dit plus haut, elles traitent majoritairement des livres d’une façon humoristique Elles sont de tailles variées. Alors qu’il était éditeur, il avait même dans son bureau une table vitrée qui reposait sur d’immenses bouquins qu’il avait sculpté dans le bois. Il a d’ailleurs signé quelques-une de ces tables absolument uniques et originales. Le thème de la sexualité est fort présent dans ses œuvres et il est abordé d’une façon amusante. Rien pour choquer ou pour agresser, simplement un clin d’œil sur cette force de la nature qui gouverne le monde. Alain a également une autre production plus diversifiée. Les chats, le vin, les personnages, les villes, bref, toute une série de thèmes forts différents qui l’inspirent. Certaines de ses pièces ont été moulées et coulées dans le bronze, plus d’une dizaine en fait. Ce sont toutes des pièces uniques dont plusieurs se retrouvent chez des collectionneurs. Parmi ces derniers, certains sont des inconditionnels de Stanké et possèdent un grand nombre de ses créations.

Alain Stanké a exposé à travers le monde. Le ministre italien de la culture l’a déjà invité à exposer à la grande Bibliothèque Nationale de ce pays. La Lithuanie a présenté son exposition dans l’édifice de l’Unesco. Le Mexique lui a consacré au moins huit expositions. Paris a également présenté sa collection de sculptures originales, bref, on voit la qualité de l’artiste à la qualité de son parcours.

Sous ses sourcils fournis et si expressifs Stanké nous parle soudain de sa maison de campagne à Saint-Valérien.  C’est là qu’il peut se consacrer à des œuvres de plus grand format. Il y a créé ‘Le Bur de Merlin’ en cailloux et il y a sculpté quelques totems ainsi que des pièces assez surréalistes. À l’entrée du chemin qui mène à sa résidence secondaire, une bicyclette ailée est suspendue entre ciel et terre dans un arbre. Il crée des chaises, des tables, des bancs, bref, il se laisse inspirer par cette vie qui le remplit.

On l’a dit, Stanké aime rigoler et il possède beaucoup de livres de dessinateurs d’humour. Dans cette optique, suite à une invitation du caricaturiste André Pijet, il a effectué une remise de prix au regroupement les 1001Visages en 2006. Alain Stanké est également présent depuis plusieurs années à la Rencontre des Arts de Saint-Jean-Sur-Richelieu. Il y est le porte-parole ou l’ambassadeur et il ne fera pas exception à la règle encore cette année. Pour l’une des toutes premières fois cependant, il y présentera une partie des sculptures qui font partie de son quotidien. Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour rencontrer ce personnage charmant dans une exposition de très grande qualité?

Les joies de livre
Les joies de livre

http://alainstanke.com/

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