Dominique Normand
Crie du cœur
Les Laurentides abondent de ces merveilleux petits villages nichés au creux des montagnes, baignés par le soleil qui fait le plaisir des vacanciers. C’est sur une route bordée de pins blancs centenaires, dont les aiguilles chatouillent le ciel, que je me dirige à la rencontre d’une artiste dont la production se révélera d’une richesse insoupçonnée.
Chemin faisant, il me semble que les montagnes n’ont jamais été aussi vertes, que la végétation n’a jamais été aussi luxuriante qu’en cet été 2016. Aux abords de la route, des osmondes cannelles, fougères magnifiques, sont tapies dans l’ombre, contrastant avec l’arrière-plan gorgé de lumière.
Imbibé de ce paysage bucolique, je roule en automobile vers la résidence de Dominique Normand qui vit en pleine forêt, au cœur de la nature qui lui est chère.
Peintre professionnelle depuis une vingtaine d’années, notre hôte a eu un coup de foudre pour la culture autochtone lorsqu’elle a participé à des rituels amérindiens, dont celui de la hutte à sudation, durant les années ‘90. Ces expériences, alliées au fait qu’elle avait construit un tipi dans sa cour, l’ont beaucoup marquée et elle a multiplié les contacts avec les responsables de ces ateliers dont certains sont membres des communautés cries du Nord.
Depuis, elle séjourne au sein du peuple invisible pour un minimum de trois mois par année. Cet appel est irrésistible, car elle sent le besoin de retourner au pays des épinettes, de la mousse à caribous et des grands espaces, là où le silence remplace les écrans de télévision et où un lien unique s’établit avec tout ce qui vit dans la forêt.
Que ce soit lors des nuits colorées par les aurores boréales à Mistassini, sur l’immense rivière d’Eastmain ou sous le ciel étoilé du mont Otish, celle qui s’est découverte Métis de souche Malécite, s’abreuve des enseignements des anciens. Elle partage aussi avec les adolescents ses connaissances artistiques.
Plus jeune, elle aura exercé durant 17 ans le métier d’infographiste dans un milieu culturel dynamique et passionnant. Notre interlocutrice a bossé chez Buzz, chez Hybride, une filiale de Ubisoft, et au studio Perry à Morin Heights. Bref, elle a constamment été immergée d’images et le chemin vers sa carrière actuelle se profilait déjà à ce moment.
Lorsque j’ai croisé cette créatrice il y a une quinzaine d’années, elle peignait de façon beaucoup plus réaliste. Normal, car elle a suivi durant quatre ans une formation académique, portant principalement sur le dessin au fusain.
Le style a évolué au fil des ans. Tandis qu’elle avait un coup de pinceau plus «léché» à ses débuts et qu’elle travaillait à l’huile, elle opte maintenant pour un coup de patte plus gestuel et elle a troqué son médium pour l’acrylique, moins néfaste pour la santé. Alors qu’auparavant, elle réalisait des portraits plus conventionnels des gens de son entourage, ses modèles sont maintenant principalement des personnalités autochtones ou sont issus de son imaginaire.
Aujourd’hui, notre naturaliste est devenue une véritable ethnologue. Elle s’émerveille devant la sagesse et le respect que les Premières Nations vouent aux animaux ainsi que de la richesse de leur vie spirituelle. Elle filme et peint les activités traditionnelles de cette civilisation dépossédée.
Dominique met son talent au service de ce peuple défiguré par la lentille de notre méconnaissance. Elle plonge, traverse le rideau des premières impressions, pour y découvrir derrière, le cœur même des Cris. Qui oserait s’aventurer là, sinon une femme passionnée qui a quelque chose à offrir au monde ? J’ai la certitude que les personnes de la trempe de Normand sont des liens entre les forces cosmiques et le monde terrestre et qu’ils ont le pouvoir de nous faire découvrir des sentiers sur lesquels l’humanité prendrait plaisir à marcher.
Dominique a participé à plusieurs expositions de groupe et solo, dont la Galerie Richelieu à Montréal, le Manifest’art à St Adolphe d’Howard, les Rendez-Vous Ononthio de Montmagny, la Galerie Broadway à New York, à l’hôtel Westin de Los Angeles et ailleurs
On peut présentement retrouver ses pièces chez Jardin d’hiver à Tremblant, à l’espace culturel Ashukan et à la galerie Soutana. Elle exposera à Liège en septembre et, parmi ses projets, elle compte produire des documentaires sur des sujets qui lui sont chers. Parions que ce sera un cri du cœur.